Une tuyère (tuyère propulsive dans le domaine de l'astronautique) est un conduit de section droite variable placé à l'arrière d'un moteur produisant des gaz de combustion chauds qui permet de transformer l'énergie thermique de ceux-ci en énergie cinétique. Pour atteindre cet objectif et en fonction du contexte de mise en œuvre, une tuyère peut être convergente, divergente ou comporter une section convergente et une autre divergente (tuyère de Laval). On trouve notamment des tuyères à l'arrière des moteurs à réaction équipant les avions et sur les moteurs-fusées propulsant les missiles et les lanceurs.
L'objectif d'une tuyère est d'augmenter l'énergie cinétique du fluide qui la traverse, c'est-à-dire sa vitesse, en transformant son énergie interne c'est-à-dire sa température.
Le principe de fonctionnement d'une tuyère repose sur les propriétés des gaz lorsqu'ils circulent aux vitesses subsonique et supersonique. Lorsqu'un gaz circule à une vitesse subsonique dans un tuyau dont le diamètre se rétrécit, sa vitesse augmente. La vitesse du gaz ne peut toutefois pas dépasser celle du son (Mach 1). En effet en régime d'écoulement supersonique (vitesse supérieure à la vitesse du son) le comportement du gaz s'inverse : pour que sa vitesse augmente il faut que le diamètre du tuyau augmente. Ce comportement des gaz repose sur le principe d'accélération des gaz décrit par l'équation d'Hugoniot :
S est l'aire de la section droite du conduit, v la vitesse et M le nombre de Mach
Une tuyère peut être convergente, divergente ou à la fois convergente et divergente :
Une tuyère de Laval permet d'accélérer des gaz d'une vitesse subsonique jusqu'à une vitesse supersonique en combinant les deux effets décrits ci-dessus. Les gaz sont accélérés jusqu'à Mach 1 dans la section convergente de la tuyère puis ils sont accélérés au-dessus de Mach 1 dans la section divergente. Une tuyère de Laval comporte donc trois sous-ensembles :
Le seul de ces paramètres qui dépend des caractéristiques de la tuyère est le rapport de pression. On peut illustrer son influence dans le cas d'un moteur brulant un mélange oxygène/hydrogène avec une pression interne de 115 bars (cas du moteur Vulcain 2 d'Ariane 5) : avec un = 1,2 la vitesse des gaz chute d'environ 14 % si la pression en sortie est de 5 bars au lieu de 1 bar.
En pratique les vitesses des gaz brulés s'inscrivent dans les fourchettes suivantes :
Les différences de vitesse d'éjection sont liées aux choix d'ergols (réactions chimiques plus ou moins exothermiques et donc températures plus ou moins élevées), à la pression dans la chambre de combustion, au cycle de combustion choisi (plus ou moins de perte) et à la longueur du divergent (détente des gaz optimale).
Les tuyères trouvent plusieurs types d'application :
Le moteur-fusée est le système de propulsion que les fusées utilisent pour accélérer à des vitesses hypersoniques tout en pouvant fonctionner dans le vide c'est-à-dire sans avoir à puiser le comburant dans l'atmosphère. Des ergols stockés à bord brûlent dans une chambre de combustion et les gaz produits sont accélérés par une tuyère de Laval. Ils produisent une poussée qui accroit la vitesse de la fusée en application de la loi sur la conservation de la quantité de mouvement. La tuyère joue un rôle central dans l'efficacité de cette propulsion en convertissant l'énergie thermique et la pression des gaz résultant de la combustion en énergie cinétique. Les gaz sont éjectés à une vitesse atteignant 2 000 à 4 000 m/s tandis que la température et la pression chute fortement entre la chambre de combustion et la sortie du divergent de la tuyère.
La forme du divergent doit être telle que sa paroi se confond avec la ligne de courant de l'écoulement des gaz expulsés. Ce profil se calcule généralement en résolvant les équations d'Euler en particulier en utilisant la méthode des caractéristiques. Dans le cas des tuyères utilisées dans le domaine des jets de plasma, les températures et donc les viscosités très élevées nécessitent le recours à la résolution des équations de Navier-Stokes. Le profil optimal est celui d'un cône dont le demi-angle au sommet est de 15°. Afin de raccourcir la longueur du divergent et ainsi de réduire la longueur du lanceur et donc sa masse deux solutions sont mises en œuvre :
Une autre manière de réduire la longueur du divergent est de multiplier le nombre de tuyères associés à une unique chambre de combustion. Plusieurs moteurs-fusées à ergols liquides soviétiques/russes utilisent cette technique dont le RD-171 qui dispose de 4 tuyères. Le débit de chaque tuyère étant le quart du débit total, la taille du col est réduite et en conséquence le diamètre et la longueur du divergent. Le gain en longueur est évalué à 30 % avec en contrepartie une plus grande complexité et sans doute une masse plus importante qu'une configuration mono tuyère.
Les gaz de combustion en sortie de la chambre de combustion ont une température très élevée. Dans le cas des tuyères de moteurs-fusées, qui fonctionnent à de très hautes températures (environ 3 000 °C), un processus permettant de refroidir les parois de la tuyère doit être prévu car aucun alliage n'est capable de résister à une contrainte thermique aussi élevée. Le col de la tuyère est l'endroit où les échanges thermiques sont les plus intenses, tandis que l'extrémité du divergent est celui où circulent les gaz les plus froids. Plusieurs techniques de refroidissement sont utilisées :
Moteur-fusée | Type | Poussée | Géométrie | Section du divergent | Matériau du divergent | Technique de refroidissement |
---|---|---|---|---|---|---|
Vinci | Propulsion étage supérieur | Rapport de section : 240 hauteur divergent 3,2 m diamètre sortie : 2,2 m |
Partie haute | Alliage de cuivre et de nickel | Circulation hydrogène liquide dans double paroi | |
Partie basse | Composite carbone | Refroidissement passif par rayonnement (1 800 kelvins) | ||||
Vulcain 2 | Propulsion premier étage | Rapport de section : 58 hauteur divergent 2,3 m diamètre sortie : 2,1 m |
Partie haute | Alliage nickel | Circulation hydrogène dans double paroi | |
Partie basse | Alliage de nickel | Film gazeux composé des gaz d'échappement des turbines à gaz et de l'hydrogène du circuit de refroidissement |
Dans les propulseurs à propergol solide, la section du col régule la combustion du bloc de « carburant solide ». Le col de la tuyère doit être assez large pour que les gaz de combustion s'échappent en créant de la poussée mais suffisamment étroit pour que le propergol ne se consume pas en une seule explosion.
Une tuyère orientable est une tuyère articulée autour d'un ou deux axes et permettant de modifier la direction de poussée.
Les moteurs-fusées d'étage supérieur nécessitent des tuyères très longues car elles fonctionnent dans le vide. Pour limiter la masse structurelle qu'imposerait une tuyère très longue certains moteurs comme le RL-10 B-2 qui propulse le second étage du lanceur Delta IV, comportent un divergent extensible qui n'est complètement déployé que lorsque l'étage inférieur a été largué.
Schéma du RL-10 à divergent extensible.
Test du déploiement de la partie extensible de la tuyère du moteur RL-10 B-2 propulsant le second étage du lanceur Delta IV.
La tuyère à écoulement externe ou à corps central s'adapte automatiquement au changement de pression rencontré aux basses altitudes tout en présentant un encombrement réduit. Différentes géométries ont été testées :
Le concept a été testé sur des prototypes mais n'a jamais été utilisé sur un lanceur opérationnel
Test d'une multi-tuyère linéaire à corps central tronqué l'Aerospike XRS-2200 (2001)
Tuyère annulaire non tronquée testée sur un moteur à propergol solide (2004)
Schéma comparant deux moteurs-fusées mettant en œuvre d'une part une tuyère classique et d'autre part une tuyère de type Aerospike
La tuyère à double galbe présente successivement deux profils différents en allant du col vers la sortie du divergent. La deuxième partie débute par un décrochement. Ce type de tuyère doit permettre de s'adapter au changement de pression rencontré par un moteur fusée de premier étage entre le début et la fin de son fonctionnement. À basse altitude seule la partie haute de la tuyère est utilisée tandis que lorsque la pression extérieure est fortement réduite, l'ensemble du divergent contribue à canaliser le flux de gaz. Cette configuration permet une auto-adaptation de l'écoulement sans mécanisme mais il entraine des charges latérales durant la transition entre les deux régimes d'écoulement
Les tuyères des turboréacteurs sont mises en œuvre dans des conditions différentes. On y trouve deux types de tuyère : la tuyère propulsive destinée à détendre les gaz de combustion et la tuyère canalisant l'entrée d'air qui peut être convergente ou divergente. Le moteur à réaction présente par ailleurs les caractéristiques suivantes qui influent sur la conception de ses tuyères :
Dans le cas général, la tuyère est simplement divergente.
Pour que le turboréacteur fonctionne correctement la vitesse du flux d'air à l'entrée du compresseur doit être égale à environ 600 km/h (Mach 0,5). Si l'avion vole en deçà de cette vitesse alors l'entrée d'air doit être une tuyère convergente, au-delà de cette vitesse, l'entrée d'air doit être une tuyère divergente.